Commémoration du 4 aout

Cinq années se sont écoulées depuis la tragédie du 4 août 2020, et l’Hôtel-Dieu de France a une nouvelle fois réaffirmé sa fidélité à la mémoire de cette douloureuse épreuve en organisant un moment de recueillement et de silence, en hommage aux victimes de cette tragédie et en solidarité avec leurs familles.
Un temps de prière s’est tenu à 15h, devant le Service des urgences de l’hôpital, témoin des premières heures de la catastrophe.
Cette commémoration a été marquée par une allocution du Président du Conseil d’administration de l’Hôtel-Dieu de France et Recteur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, le Professeur Salim Daccache s.j., en présence des équipes médicales, soignantes et administratives de l’établissement.
« Chers membres du personnel médical, infirmier, soignant, administratif et logistique de l’ Hôtel-Dieu de France-Université Saint-Joseph,
Chers habitants de Beyrouth, cette ville à la fois blessée et généreuse, vous qui continuez de croire que la lumière est plus forte que les ténèbres, et que la vérité est plus forte que l’oubli,
Aujourd’hui, nous nous retrouvons face à la douleur, en mémoire des âmes parties trop tôt lors de cette tragique soirée du 4 août 2020.
Nous sommes ici, non seulement devant le Service des urgences de cet hôpital, mais aussi devant la blessure profonde d’un pays, devant le cri persistant de Beyrouth, devant des mères en quête de réponses, et devant des enfants qui ont grandi avec le souvenir douloureux de pères arrachés en un instant de trahison.
Nous nous tenons aujourd’hui porteurs d’un silence habité par la prière, d’une douleur chargée de colère, et d’une foi inébranlable en la justice divine, la justice humaine, et la justice de notre patrie : le Liban.
Cette explosion n’était ni un destin inévitable ni une catastrophe naturelle. Elle fut le fruit d’une corruption chronique, d’une négligence criminelle, d’une complicité dissimulée dans les bureaux du pouvoir, et d’un silence irresponsable qui a étouffé la vérité comme il a étouffé des vies.
D’ici, de ce lieu qui a accueilli des centaines de blessés et de victimes, nous lançons un cri au nom de la conscience :
Assez de report de justice, assez de manipulation de l’enquête, assez d’étouffement de la vérité.
Cinq ans se sont écoulés, et personne n’a assumé la responsabilité de ce crime abominable.
Où est la vérité ? Où est le courage de juger ceux qui ont causé ce drame ou se sont tus face au danger ?
Nous exigeons aujourd’hui la publication immédiate et complète de l’enquête judiciaire.
Nous sommes dans une ère nouvelle, avec un nouveau président et un nouveau gouvernement.
Nous réclamons une transparence totale, à l’abri de toute ingérence politique ou pression communautaire.
Nous demandons un procès équitable et des compensations légales et justes pour les familles des martyrs non pas des dons dispersés à gauche et à droite, mais des droits octroyés avec dignité, en reconnaissance à ceux qui ont payé de leur vie le prix du silence de l’État.
Beyrouth ne demande pas la pitié, Beyrouth demande la justice.
Et il n’y aura pas de résurrection pour le Liban si le droit n’est pas la base de sa reconstruction.
Nous voulons un pays où le crime ne soit pas récompensé par le silence, un pays où la tragédie ne soit pas réduite à une simple commémoration passagère.
Nous ne livrerons pas nos cœurs au désespoir. Nous sommes les enfants de la foi, de l’espérance, et de la résurrection, qui vient après la mort, la douleur et la croix.
Beyrouth, ville des saints et des martyrs, ville de l’appel divin, ne mourra pas.
Elle se relèvera, plus forte que jamais.
Nous croyons toujours que l’être humain mérite la vie, la dignité et la vérité.
Je m’incline avec respect, nous nous inclinons avec respect, devant les âmes des 262 martyrs du 4 août, et j’adresse aux blessés et à leurs familles tout mon amour et mes prières.
Je leur renouvelle cette promesse :
Nous n’oublierons jamais et ne céderons pas tant que la vérité ne sera pas dévoilée et que justice ne sera pas rendue à ses véritables ayants droit.
Recueillons-nous ensemble dans cette douleur, et transformons-la en un engagement durable, en un message noble, pour Beyrouth et pour le Liban. »